Blog de Pierre Wittmann – Janvier - mars 2024
Réflexions sur les conflits
Ces réflexions sont inspirées par mon observation des conflits du monde, mon émerveillement devant la paix dans laquelle vivent les sages qui ont appris à les transcender, les enseignements du bouddhisme et du shivaïsme du Cachemire, et mes expériences personnelles. Elles ne prétendent pas répondre à tous les cas de conflit ; il y aura toujours des cas particuliers et des exceptions, qui, pourrait-on dire, confirmeront leur pertinence.
Les conflits sont des situations complexes et généralement douloureuses. Ils peuvent se produire à tous les niveaux de la société, entre toutes les personnes et entités qui la constituent, et dans toutes les circonstances.
La nature des conflits
Les conflits font partie de la vie de l’être humain ordinaire, qui se considère comme une entité individuelle séparée des autres et du tout, et qui doit se battre ou se défendre pour survivre, ou plus généralement pour se faire respecter, reconnaître, accepter et aimer. Cette lutte et cette défense, et les conflits qu’elles impliquent, sont des stratégies de l’ego qui, malheureusement, parviennent rarement à satisfaire ses aspirations et produisent plus souvent la guerre et la souffrance que le bonheur et la paix.
Les situations conflictuelles sont nombreuses et variées, mais il faut noter qu’elles ne sont en général pas la cause du conflit, même si elles en offrent le potentiel. Une situation conflictuelle ne crée pas toujours un conflit.
Le premier principe des conflits est qu’il faut être deux pour créer un conflit. Il peut s’agir de deux personnes physiques, mais aussi de deux entités ou personnes morales (couples, familles, entreprises, institutions, administrations, races, religions, pays, etc.) ; ou d’une personne et d’une de ces entités. Lorsqu’on parle de conflits intérieurs, il s’agit d’un conflit entre deux subpersonnalités d’une même personne. On peut ressentir ou souffrir d’un conflit lorsqu’on est une de ces deux personnes, qu’on fait partie d’une de ces entités, ou qu’on soutient une des deux personnes ou entités. Pour simplifier, je nommerai ces deux personnes ou entités « les deux parties », ou bien « je ou nous » et « l’autre ».
La bonne nouvelle, c’est que tout conflit peut avoir une fin, et qu’il ne suffit que d’une personne pour mettre fin à un conflit, comme nous le verrons plus loin.
Il est important au départ de bien comprendre la nature du conflit et quelle situation conflictuelle en est la source.
Liste non exhaustive des principales situations conflictuelles
Une des parties demande quelque chose à l’autre et l’autre refuse de lui donner ou de lui accorder ce qu’elle lui demande.
Les actions, paroles ou comportements de l’une des parties déplaisent à l’autre.
Une des parties se sent agressée, blessée, trahie, abusée, harcelée par les actions, paroles ou comportements de l’autre, ou les considère comme des injustices.
Une partie revendique des droits que l’autre partie refuse de lui accorder.
Une partie refuse d’accomplir les devoirs ou de respecter les lois que l’autre lui impose.
Une des parties abuse de son pouvoir au détriment de l’autre (conflit de pouvoir).
Les deux parties ont des opinions, des croyances, des valeurs, des principes, des habitudes qui diffèrent et ne sont souvent pas compatibles (conflits d’opinion).
La cause des conflits
Il faut bien noter qu’une situation conflictuelle n’est pas par elle-même la cause d’un conflit. La véritable cause est la réaction négative de l’une des parties à la situation conflictuelle. S’il n’y a pas de réaction négative, il n’y a pas de conflit.
Par exemple : je demande quelque chose à l’autre et l’autre refuse ma demande. Si j’accepte le refus ou y réagit positivement, il n’y a pas de conflit. Je ne suis pas obligé de me considérer comme une victime lorsqu’un de mes désirs n’est pas satisfait. Par contre, si je réagis négativement au refus de l’autre – que j’insiste, utilise le chantage, la menace, des représailles ou intente un procès pour essayer obtenir malgré tout ce que j’ai demandé – il y a un conflit. Et ce qu’il est important de comprendre ici, c’est que c’est moi, ma réaction négative, qui est la cause du conflit, et non le refus de l’autre.
Dans cet exemple, il y a deux situations conflictuelles neutres : ma demande et le refus de l’autre. La troisième situation conflictuelle, ma réaction négative, est celle qui crée le conflit. Mais ce n’est pas toujours le cas. Si l’autre est plus sage que moi, qu’il réagit positivement à ma réaction négative et accepte de revenir sur son refus et de me donner ce que je demande, le conflit sera aussi évité.
Il faut noter ici, toutefois, que si on peut avoir un certain contrôle sur ses propres réactions, on en a rarement sur celles des autres. Et si on obtient une réaction positive de l’autre par le chantage, la menace, les représailles ou un abus de pouvoir, on n’évite pas vraiment le conflit, mais au mieux on le repousse, car, dans la plupart des cas, l’autre nous en gardera rancune et cherchera la première occasion de se venger.
Éviter les conflits
Avant de voir comment mettre fin à un conflit qui a déjà éclaté, il est important de voir comme éviter les conflits. Il s’agit simplement d’éviter de créer des situations conflictuelles qui risquent de se transformer en conflits.
Comme pour la résolution des conflits, cela peut paraître simple, mais ce n’est pas nécessairement facile, car l’ego a généralement des habitudes conflictuelles qu’il ne lui est pas facile de changer ou auxquelles il n’est pas prêt à renoncer.
Le premier principe, très général, est de toujours préférer la paix à toute gratification ou avantage personnel.
Ensuite, pour éviter de créer des situations conflictuelles, il faut :
Ne rien demander (on peut quand même demander l’heure !).
Dans la mesure de nos possibilités, ne jamais refuser ce qu’on nous demande.
Si notre attitude ne pourra jamais plaire à tout le monde, efforçons-nous de contrôler autant que possible nos actions, paroles et comportement afin d’éviter d’agresser, blesser, trahir, abuser ou harceler autrui.
Ne revendiquer aucun droit, mais accepter d’avoir des devoirs à accomplir et des lois à respecter.
Ne pas abuser du pouvoir qu’on peut avoir sur autrui.
Accepter les opinions, les croyances, les valeurs, les principes, les habitudes d’autrui, même si nous ne les approuvons pas. Éviter la confrontation, l’argumentation, la provocation et les discussions conflictuelles.
Éviter d’exprimer ses propres opinions, surtout sur des sujets sensibles, comme la politique, la religion, le sport… ou les conflits. Et je suis conscient qu’en écrivant ces réflexions, je romps un de ces principes et m’expose donc à des conflits !
Bien sûr, ces principes demandent beaucoup d’abnégation, mais c’est le prix à payer pour vivre toujours en paix. La plupart des gens préfèrent conserver une certaine dose d’égoïsme, quitte à endurer les conflits que leurs attitudes ne manqueront pas de générer.
Mettre fin aux conflits existants
Le premier principe, ici aussi, est de désirer la paix à tout prix, et d’accepter de renoncer à toute gratification ou avantage personnel.
Il faut ensuite reconnaître sa part de responsabilité dans le conflit, et comprendre que même quand l’autre refuse de changer son attitude et ses exigences, si nous, nous changeons les nôtres, ce sera suffisant pour mettre fin au conflit.
Tant qu’on considère qu’on a raison et que l’autre a tort, et qu’on veut gagner, il n’est pas possible de résoudre un conflit, car l’autre a la même vision de la situation. Il faut savoir donner une victoire apparente à l’autre, tout en sachant que la seule vraie victoire, c’est la paix, et qu’elle appartiendra toujours aux deux parties.
Toutefois, pour que ce changement soit efficace, il faut qu’il soit sincère. Pour cela, il faut d’abord cesser d’accuser l’autre, mais essayer de se mettre à sa place et de comprendre et d’accepter son attitude, même si on ne l’approuve pas. Ensuite, il faut lui pardonner pour ce dont on l’accusait, et lui demander pardon de lui en avoir voulu, sans garder aucun ressentiment à son égard. Et il ne faut à aucun moment se considérer comme un perdant ou une victime.
Si on a le courage de faire ce premier pas et de donner la victoire à l’autre pour obtenir la paix, on sera souvent étonné du résultat. Il est fort probable que l’autre changera aussi son attitude et finira par nous accorder ce que nous désirons.
Une autre méthode pour mettre fin à un conflit est de faire un procès et de demander à la justice de régler le conflit, ou dans certains cas de le demander à un médiateur. Mais cette méthode n’assure pas une paix totale et durable. Celui qui a perdu le procès, ou dont le médiateur ne reconnaîtra pas les revendications, se sentira toujours lésé et gardera rancune à l’autre. Il contestera souvent la neutralité ou l’intégrité des juges ou médiateurs, et tentera de faire appel ou d’apporter des faits nouveaux pour obtenir une révision du procès ou une nouvelle médiation. Cela peut durer des années, pendant lesquelles le conflit continue et ne fait qu’accroître l’animosité entre les deux parties. Il est rare que les parties puissent complètement se réconcilier après un procès. Il faut noter que si le procès est une pratique très courante en Occident, et surtout aux États-Unis, elle est rare en Asie où on lui préfère généralement un arrangement à l’amiable.
Un arrangement à l’amiable est en effet une bonne solution pour résoudre rapidement et complètement un conflit. Pour qu’il soit possible, il faut d’abord que les deux parties acceptent de se réunir, si possible sans la présence de tiers (avocats, médiateurs, psychologues et autres). Et elle réussira presque à coup sûr si on est prêt, soi-même, à prendre la responsabilité du conflit et à faire des concessions, même de grandes concessions.
Il faut noter que les personnes avec qui nous sommes en conflits sont souvent des personnes qui nous sont proches, parce que ce sont des personnes avec qui nous avons des affinités, et nous partageons souvent les mêmes problématiques. Lorsque le conflit se déclare, il peut se manifester par une escalade de violence et de malveillance de part et d’autre, mais lorsque le conflit prend fin, celle-ci se transforme subitement en une cascade d’amour et de bienveillance, que les deux parties attendaient avec impatience. Car même si les conflits ne sont drôles pour personne, et sont généralement stupides lorsqu’on les regarde de l’extérieur ou avec un peu de recul, les egos s’acharnent pourtant avec beaucoup de ténacité à défendre des revendications et des droits aussi futiles qu’imaginaires…
9 octobre 2018, Chiang Mai
Programme
Cette semaine, il y eut de nombreuses courses en ville et plusieurs sorties le soir, si bien que mon programme en fut de nouveau complètement chamboulé. Et demain je pars à Yangon voir Isabel et Momo (ma sœur et son mari), jusqu’à lundi. Pour l’instant, je crois qu’il vaut mieux que j’oublie cette tentative de nouveau peu fructueuse d’établir un programme. Essayer de garder une ou deux priorités, comme écrire ces Pages* le plus souvent possible et terminer le nouveau livre, qui avance. Et en dehors de ça, ne pas en faire trop, ne pas me stresser, mais répondre spontanément aux demandes souvent imprévues qui se présentent, et me rapprocher ainsi du wu wei* que j’aspire à pratiquer depuis si longtemps. Je n’ai plus regardé de vidéos depuis une semaine, mais j’ai repris la lecture, un livre d’Ayya Khema*, et j’ai commencé à lire les suttas du Majjhima Nikaya.
J’ai dîné un soir avec Santikaro*, qui est de passage à Chiang Mai. Cela m’a fait plaisir de discuter de points essentiels du Dharma*, ce que je peux difficilement faire avec mes amies qui connaissent mal le bouddhisme, mais sont plutôt du côté de l’hindouisme et de la non-dualité. Je me rends compte que je n’ai plus de vrai Dharma friends, à part Mettiko, Manfred, Santikaro et Sukhacitto, que je vois rarement, et cela me manque. Hier soir, je suis allé avec Annabel au Yoga Tree pour écouter un enseignement de Santikaro. Cela faisait longtemps que je n’y étais pas retourné, probablement depuis que je n’ai plus de voiture. J’y ai retrouvé quelques amis, Samantha, Sabine, Paco, Steven… mais je me rends compte que je ne me sens plus très connecté à ce genre de groupe et à leurs activités. Je préfère rester tranquillement à la maison à vaquer à mes petites activités. Si je suis content de sortir de temps en temps, de préférence la journée, et de voir mes quelques amis, j’apprécie de plus en plus la solitude. C’est pour cela que je n’ai plus non plus envie de voyager, ni même de faire de petites excursions. J’ai beaucoup couru le monde quand j’étais plus jeune, mais je me rends compte que c’était une autre époque que je n’ai plus envie de retrouver.
Peut-être aussi, depuis que je me suis replongé dans le bouddhisme, que je retrouve dukkha* et ses causes, et le désenchantement du samsara*. Et c’est sans doute ce qui m’incite à moins m’agiter et me stresser, à faire moins de choses, toutes plus ou moins futiles, mais à retrouver la méditation et le silence, et un autre rythme plus calme. Une joie intérieure paisible pourrait remplacer la mélancolie que je semble trouver dans le renoncement à l’activité fébrile à laquelle je suis habitué depuis si longtemps, mais qui n’est qu’un moyen d’échapper à la réalité des choses telles qu’elles sont. Maintenant que je ne fais plus de retraites régulières pour retrouver cet espace de calme et silence, il faut que j’apprenne à le trouver dans ma vie quotidienne, et il est certainement peu compatible avec le programme efficace que j’ai essayé d’établir récemment. Encore un mois pour trouver un nouveau rythme de divine nonchalance pour 2018…
* Pages : une des tâches de la voie de l’artiste (The Artist’s Way, de Julia Cameron) qui consiste à écrire trois pages par jour. À l’époque où je faisais cette pratique, mon Journal était devenu les Pages.
* Wu wei (chinois) : littér. ne pas faire, non-action. Le wu wei est une philosophie de vie prônée par les taoïstes, qui consiste à s’abstenir de toute intention d’accomplir quoi que ce soit. Le pratiquant du wu wei se contente de suivre le flux de la vie en répondant spontanément aux besoins et aux demandes qui se présentent.
* Khema (Ayya) (1926-1997) : née à Berlin, Ayya Khema fut ordonnée nonne en 1979 au Sri Lanka. Elle enseignait le bouddhisme theravada et la pratique des jhanas, les absorptions méditatives. Elle fonda en 1978 le Wat Buddha Dhamma, un monastère de la forêt situé en Australie, où j’ai fait ma première retraite avec elle en février 1990 (voir mon livre Le parfum de l’éveil). Elle fut ensuite mon principal maître spirituel jusqu’à sa mort.
* Santikaro (Tan) : enseignant bouddhiste, traducteur et militant américain, ordonné moine en 1985. Il résida pendant quatorze ans à Suan Mokkh, où il enseignait et dirigeait des retraites de méditation pour les Occidentaux. Il retourna aux États-Unis en 2001 et, après avoir quitté la robe en 2004, fonda Liberation Park, une communauté bouddhiste dans le Wisconsin. Il est l’un des principaux traducteurs de l’œuvre d’Ajahn Buddhadasa en anglais.
* Dharma (sanscrit ; pali : Dhamma) : la doctrine du Bouddha, un des Trois Joyaux, avec le Bouddha et la Sangha. Dans un sens plus général, tout enseignement ou chemin spirituel.
* Dukkha (pali) : insatisfaction, imperfection, souffrance. Une des trois caractéristiques de l’existence et de tous les phénomènes, selon le bouddhisme. Les deux autres sont anicca (l’impermanence) et anatta (l’impersonnalité). Il y a trois sortes de dukkha : le dukkha de la souffrance : la souffrance est douloureuse par elle-même ; le dukkha du plaisir : le plaisir n’est pas complètement satisfaisant parce qu’il contient l’incertitude de son accomplissement et de son prolongement, la crainte de sa cessation et la nature douloureuse de la lassitude et de la satiété qu’il ne manquera pas de produire ; et le dukkha inhérent à tous les phénomènes conditionnés.
* Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.
1er décembre 2017, Chiang Mai
La parole vraie
La parole vraie est un sujet sur lequel j’ai souvent médité.
Peut-être parce que c’est avec la parole que j’ai le plus de difficultés.
J’ai une tendance naturelle à dire ce que je pense, qui est, si ce n’est la vérité, au moins ma vérité.
Cela peut être provocateur, c’est l’aspect principal de mon thème de Human Design*.
Cela peut déranger, souvent, ou blesser, parfois.
Mais c’est peut-être ce que les gens ont besoin d’entendre, pour les réveiller un peu.
Le Bouddha préconisait la parole juste*, qui est vraie, sans être malveillante, mais il précisait que le plus important était de trouver le moment opportun pour la prononcer. Ce n’est pas facile… et si ce moment ne se présente pas, le silence est préférable.
Le silence est toujours préférable à la parole fausse.
Lise Bourbeau, dont j’ai suivi les cours et formations, insistait beaucoup sur la parole vraie : dire toujours la vérité.
Mon expérience est que ça paie toujours, à la fin, même si sur le moment on peut avoir des doutes, et regretter d’avoir dit ou écrit certaines choses. Mais je suis souvent surpris des réactions, qui ne sont pas celles que je craignais.
Nous vivons dans un monde construit sur des mensonges ; la politique, la démocratie, l’économie, les affaires, les médias ne vivent que par le mensonge… et la santé, la science, l’éducation ne sont pas beaucoup mieux lotis.
Les non-dits sont aussi une forme de mensonge, très courante dans les relations, amoureuses, conjugales, familiales, amicales.
L’exagération, dans un sens ou dans l’autre, est également une forme de mensonge.
La parole fausse est un moyen de manipuler et de conditionner les gens, utilisée par tous ceux qui veulent conserver leur pouvoir ou leur position dans la hiérarchie.
L’attitude éveillée, qui est son opposé, est la transparence… bien difficile à trouver dans nos sociétés.
Pourtant, si elle était appliquée partout, la plupart des souffrances et des problèmes du monde disparaîtraient du jour au lendemain.
Mais c’est une attitude impensable dans le monde actuel.
Voici les premières idées qui me vienne sur la parole vraie, mais il y aurait encore beaucoup à en dire.
C’est une pratique à plein temps, pas toujours facile.
Et lorsqu’on dit une vérité qui pourrait provoquer des turbulences, toujours le faire consciemment !
* Human Design : le Human Design est un système complexe de connaissance de soi qui fait appel d’une part aux dernières découvertes de la génétique et de la physique quantique et d’autre part aux anciens enseignements de l’astrologie, du Yi Jing, du système indien des chakras et de l’arbre de vie de la kabbale. Pour plus de détails : https://human-design-en-francais.simdif.com.
* Parole juste (pali : samma-vaca) : un des préceptes et un des aspects de la Noble Voie Octuple qui fait partie de la pratique de la moralité (sila). Il s’agit de s’abstenir de quatre sortes de langages : le mensonge, les paroles grossières et les insultes, la médisance, les conversations futiles, et s’efforcer de cultiver leurs opposés : la vérité, les paroles courtoises et les compliments, l’éloge, les conversations enrichissantes.
28 décembre 2016, Chiang Mai
Écrire un journal
J’ai reçu il y a dix jours l’écho du Journal 1990 de Simone Aymard, avec un sympathique mail qui m’encourage de nouveau à continuer à écrire et à corriger ce Journal. J’ai toutefois été interpelé par le dernier paragraphe de son écho, où elle constate de que je suis un éternel insatisfait et que, malgré mes études et pratiques spirituelles, je ne semble pas capable de trouver le bonheur. Depuis, je lui ai répondu à ce propos et ai écrit déjà plusieurs textes à ce sujet. Et ce n’est pas fini, il me semble que c’est un sujet inépuisable : dukkha*, qui me ramène au cœur du bouddhisme. Et je me demande depuis si je suis vraiment insatisfait et malheureux. Il me semble que non, même s’il est vrai que mon Journalraconte en détails mes insatisfactions, mes souffrances, mes frustrations, mes doutes, et mes états d’âme. Je m’en suis rendu compte en relisant la période 2001-2003.
Simone Aymard écrit : « C’est la définition même du Journal personnel de recueillir ainsi au jour le jour les états d’âme du diariste. » Cela me conduit à m’interroger sur la nature même, ou la définition, du journal. Pourquoi écrit-on un journal, et dans quelle mesure est-ce utile et approprié ? Il faut noter que certaines personnes se sentent poussées à écrire un journal, mais ce n’est pas le cas de la plupart des gens. Pourquoi ? Comme tout ce que nous faisons dans la vie, ce n’est pas un choix, mais une prédisposition, ou une tendance compulsive. Une configuration génétique peut-être, qu’on pourrait observer dans le Human Design*. Les personnes qui ont un fort circuit collectif abstrait, donc un attrait pour les expériences du passé, ou les portes 13 et 56 (que je possède toutes les deux) qui dénotent des talents de conteur et d’historien. Si certaines personnes, comme moi, passent beaucoup de temps sur leur histoire personnelle, d’autres passent leur vie à étudier et écrire des livres sur tous les aspects de l’histoire de l’humanité, ou de l’univers. Il serait intéressant de regarder si les grands diaristes ou historiens ont ces configurations.
L’histoire, personnelle ou collective, concerne tous les domaines de la pensée, de la culture et de l’activité humaines : politique, arts, religions, sciences, etc. Cela s’accompagne d’un attachement au passé, non seulement aux souvenirs individuels (l’autobiographie), mais aussi à toutes les traces matérielles qui contiennent des souvenirs du passé, tous les documents écrits (bibliothèques et archives), les objets et les œuvres d’art (musées), les vestiges archéologiques et les configurations géologiques, pour se limiter à l’histoire de notre planète. Sur le plan personnel, nous sommes attachés à notre histoire, au point de l’écrire pour qu’il en reste une trace matérielle, mais aussi à tous les objets qui nous entourent – et nous rappellent souvent des événements de notre passé –, et dont nous avons beaucoup de peine à nous séparer. C’est en tout cas vrai pour moi, si bien que même si le poids de mes possessions matérielles me pose de gros problèmes, je ne sais pas comment m’en libérer. Quant à l’attachement à notre histoire, et donc au passé, toutes les voies spirituelles nous disent pourtant qu’il est un gros obstacle à la libération (des souffrances du samsara*).
Si on regarde l’histoire, personnelle ou collective, puisque c’est ce dont il s’agit ici, on peut se demander dans quelle mesure elle correspond à la vérité (quelle vérité ?), et à la réalité (quelle réalité ?). Deux événements récents à ce sujet. René m’a parlé d’un gros livre qui raconte l’histoire de l’humanité vue par les Chinois, très différente semble-t-il de celle que nous considérons comme la vérité en Occident. Je discutais récemment avec Viriya des origines communes du shivaïsme du Cachemire et du bouddhisme tantrique (dzogchen*, mahamudra et chan), dont parle Daniel Odier, mais dont ne parlent jamais les bouddhistes, et je me rendais compte que dans l’histoire des religions, encore plus peut-être que dans l’histoire politique, les opinions diffèrent beaucoup, et des études très détaillées et convaincantes exposent des vues complètement opposées.
Qu’en est-il alors de notre propre histoire, de notre autobiographie ou de notre journal ? Sont-ils plus fiables, plus justes, plus objectifs ? Et quelle est la réalité qu’ils tentent de décrire ? On pourrait penser qu’une autobiographie écrite 20, 30 ou 50 ans après les événements relatés serait moins juste qu’un journal écrit au jour le jour, car, avec le temps, la mémoire a tendance à transformer les souvenirs, à en faire une sélection et à oublier certaines choses. Peut-être, mais ce n’est sans doute pas le plus grave. Le problème est que nos souvenirs sont basés d’abord sur nos perceptions, qui sont en grande partie subjectives, même si nous avons l’impression d’être objectifs et sincères, et surtout sur notre interprétation de nos perceptions, qui, elles, sont complètement subjectives, et viennent, si ce n’est remplacer, du moins se superposer à nos perceptions. Que reste-t-il alors de la réalité, et de quelle réalité ? Il faut noter aussi que nous avons plusieurs types de mémoires : la mémoire physique (la mémoire du corps, des cellules), la mémoire émotionnelle (la mémoire du cœur) et la mémoire mentale (les concepts et les croyances, et aussi l’imagination). Le mélange de ces trois types de mémoire forment ce que nous appelons notre vie, ou notre histoire. Aussi, quand Éric Baret* dit que nous imaginons notre vie, il n’est probablement pas loin de la vérité ! Mais l’imagination ne concerne pas seulement le mental. Le physique semble plus réel aux matérialistes, et l’émotionnel aux amoureux et aux dévots, mais le sont-ils vraiment ?
Dans ces conditions, est-il sage de continuer à écrire un journal, ou une autobiographie ? Et l’idée que c’est différent que d’écrire de la fiction, un roman, n’est-ce pas une autre illusion ?
Dans l’ennéagramme*, les types 8, 9 et 1 ont une prédominance physique, les types 2, 3 et 4 une prédominance émotionnelle et les types 5, 6 et 7 une prédominance mentale. Ce sont trois manières différentes de percevoir la réalité, donc trois perceptions, pas la réalité elle-même. Je suis un 7 et, comme le dit très justement Sandra Montri que je suis en train de relire, le 7 peut vivre avec tout autant, ou même plus, d’intensité dans ses constructions mentales que dans le monde physique. Cela me rappelle la période où j’écrivais Marlène ou le jeu de la vie (un roman avec de nombreux épisodes autobiographiques), et constatais que je ressentais de beaucoup plus fortes émotions en relisant des passages de pure fiction – j’en avais souvent les larmes aux yeux – que des épisodes pourtant intenses de ma vie. Elle explique aussi que le 7 peut raconter avec beaucoup de détails les insatisfactions ou les périodes douloureuses de son existence sans en être affecté. C’est peut-être bien ce qui se passe avec mon Journal : c’est devenu une histoire, que je trouve intéressante, mais dont je suis détaché émotionnellement. Et peut-être que le simple fait de l’écrire m’a permis de me libérer complètement des souffrances que j’avais vécues. C’est en cela que l’écriture d’un journal, ou des pages* de Julia Cameron, est une forme de thérapie. Et c’est peut-être pour cela que j’ai ce besoin pressant d’écrire, et qu’il ne faut pas que je le rejette, surtout pendant les périodes difficiles, car cela me fait du bien. Il semble que les personnes qui ont quelqu’un à qui elles peuvent raconter leurs mésaventures et leurs états d’âmes, et qui se sentent écoutées, ont moins le besoin d’écrire que celles qui vivent seules ou sont plus introverties. Il est bien connu que les personnes qui n’arrivent pas à exprimer de profondes souffrances se retrouvent souvent avec de sévères troubles psychologiques ou de graves maladies comme le cancer.
À un autre niveau, dans le dzogchen, on parle de l’auto-libération spontanée des namtoks (émotions et pensées discursives). À ce niveau de réalisation, il n’est sûrement plus nécessaire d’écrire un journal. Je n’en suis pas encore tout à fait là, c’est pourquoi j’écris toujours : c’est mon auto-libération ! Quant à la réalité de ce que raconte mon Journal : c’est une transcription de pensées discursives. C’est pourquoi il ne faut pas le prendre trop au sérieux !
* Dukkha (pali) : insatisfaction, imperfection, souffrance. Une des trois caractéristiques de l’existence et de tous les phénomènes, selon le bouddhisme. Les deux autres sont anicca (l’impermanence) et anatta (l’impersonnalité). Il y a trois sortes de dukkha : le dukkha de la souffrance : la souffrance est douloureuse par elle-même ; le dukkha du plaisir : le plaisir n’est pas complètement satisfaisant parce qu’il contient l’incertitude de son accomplissement et de son prolongement, la crainte de sa cessation et la nature douloureuse de la lassitude et de la satiété qu’il ne manquera pas de produire ; et le dukkha inhérent à tous les phénomènes conditionnés.
* Human Design : le Human Design est un système complexe de connaissance de soi qui fait appel d’une part aux dernières découvertes de la génétique et de la physique quantique et d’autre part aux anciens enseignements de l’astrologie, du Yi Jing, du système indien des chakras et de l’arbre de vie de la kabbale. Pour plus de détails : https://human-design-en-francais.simdif.com.
* Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.
* Dzogchen (tibétain) : littér. la grande perfection. Doctrine de l’école nyingma du bouddhisme tibétain, introduite au Tibet au huitième siècle par Padmasambhava. Ses adeptes considèrent le dzogchen comme un enseignement secret du Bouddha et comme le niveau suprême de tous les enseignements bouddhiques.
* Baret (Éric) (né en 1953) : disciple de Jean Klein, Éric Baret enseigne le shivaïsme tantrique du Cachemire. Il est devenu mon principal maître spirituel depuis notre rencontre en 2002.
* Ennéagramme : système d’étude de la personnalité humaine introduit en Occident par Gurdjieff au début du 20e siècle. Il décrit neuf types de caractère dont les liens sont représentés par les côtés d’un diagramme polygonal à neuf sommets appelé ennéagramme.
* Pages : une des tâches de la voie de l’artiste (The Artist’s Way, de Julia Cameron) qui consiste à écrire trois pages par jour. À l’époque où je faisais cette pratique, mon Journal était devenu les Pages.
24 décembre 2015, Chiang Mai
Aimer ce qui est
Toutes les attentes sont causes de souffrance. Il faut aimer la vie comme elle est, à chaque instant. Elle ne peut pas être autrement que comme elle est. Elle est parfaite comme elle est. Si on aime ce qui est, ce qui nous arrive, on est toujours heureux. Mais on est malheureux parce qu’on pense que la vie aurait dû être autrement, que le bon Dieu aurait dû répondre à nos attentes, ou a peut-être fait une erreur. Mais ça ne marche pas comme ça !
Les maladies et les troubles physiques sont un problème énorme tant qu’on s’identifie au corps. Mais nous ne sommes pas notre corps. Les plus grosses souffrances sont les souffrances psychologiques (je ne devrais pas être malade). On peut vivre très heureux avec un corps malade, si celui qui est heureux ne s’identifie pas à son corps.
Les épisodes de notre vie, la famille, les relations, etc., c’est notre histoire : elle est ce qu’elle est, ni bien ni mal ; elle est comme un rêve, ou un film, mais nous souffrons parce que nous nous identifions aux personnages. Et nous la jugeons ; mais c’est notre réalité relative sur cette planète, ni mieux ni moins bien que celle des autres (dont nous n’avons qu’une vision extérieure). Est-ce que nous voudrions changer notre vie pour celle de quelqu’un d’autre ? La seule attitude raisonnable, c’est d’aimer ce qui est, alors tous les problèmes disparaissent. Observer, accepter, embrasser les peines comme les joies. Voilà l’amour dont nous sommes capables. Plus de croyances (qui concernent toujours le passé ou le futur), mais être complètement dans le moment présent ! Voilà le secret !
Contempler ces idées plutôt que de les croire aveuglément (ce serait une autre croyance), et voir si elles résonnent avec des vérités qui sont en nous.
26 novembre 2014, Chiang Mai
Est-ce ma mission de changer le monde
Si le matin j’écris, l’après-midi je réponds aux mails, aux personnes qui ont répondu à mon message de bonne année, pour l’instant environ 70. Une question que je pose à certaines d’entre elles, que j’appelle ma question pour 2022, c’est : comment contribuer pratiquement à rendre ce monde malade plus lumineux et plus fraternel ? Parce que c’est une question qui me préoccupe depuis plusieurs semaines, même plusieurs mois. Mais ce matin, je me demandais s’il était très sage d’avoir ce genre de préoccupation. Est-ce que la santé du monde, et son avenir, reposent sur mes épaules ? Ou faut-il laisser à Dieu le soin de régler ses problèmes, et ceux du monde qu’il a créé, tout seul ? Plutôt que de vouloir changer le monde, le laisser changer par lui-même. Il ne faut pas que je retombe dans l’imaginaire douteux que nous avons, ou que j’ai, une mission à accomplir sur cette planète. J’ai déjà réfuté indiscutablement cette idée en écrivant La vie - jeu, art ou mission. Alors il ne faut pas que ma nouvelle vie soit une vie de missionnaire. Et que je sois bien clair sur les motivations qui m’ont poussé à créer ma structure de partage, en particulier ma Newsletter et ma chaîne YouTube. Qu’est-ce que je désire partager ? Mes sites, ce que j’écris, mes livres… donc mes réflexions et mes idées, et mes regards sur ma vie et sur la vie, comme je les appelle, mais pas nécessairement mes idées militantes pour changer le monde…
Jusqu’à présent, je n’ai pas beaucoup partagé mes idées sur la situation du monde, même si c’est un sujet qui me préoccupe. Bien sûr, je les suggère dans le poème qui accompagne mes vœux de bonne année pour 2022.
Éveillons-nous !
Éveillons-nous ! Soyons des rayons de lumière
Qui illuminent et réenchantent ce monde malade
L’obscurité ne peut pas subsister dans la lumière
Cessons d’être asservis par les forces de l’ombre
Et démasquons leurs stratagèmes diaboliques
Refusons d’être les complices crédules et serviles
D’oligarques avides qui veulent dominer le monde
Sortons de notre torpeur avant qu’il soit trop tard
Et retrouvons nos valeurs humaines vilipendées
La vérité, la liberté, la confiance, la bienveillance
La sagesse, la transparence, la joie et la fraternité
Ensemble, créons chaque jour une nouvelle réalité
Qui sache nous émerveiller au lieu de nous affliger
J’ai évité jusqu’à présent de partager des nouvelles alternatives, à part avec quelques amis proches non injectés, car il devient tout à fait déplacé de les envoyer à ceux qui ont rejoint l’idéologie dominante, comme certains de mes amis : ils sont sourds à toute idée qui pourrait mettre en doute leurs nouvelles croyances. Cela m’attriste. Quand on refuse de discuter, d’argumenter sur un sujet, c’est qu’on sait pertinemment qu’on n’aurait aucun argument valable, et fiable, pour défendre ou justifier ses opinions, et pour échapper au ridicule. J’écrivais hier à un ami : dommage que le ridicule ne tue pas… sinon les psychopathes qui nous gouvernent, les scientifiques corrompus qui les conseillent et les journalistes écervelés qui prétendent nous informer seraient tous morts depuis longtemps… ainsi que tous les inconscients qui les suivent comme des larbins.
J’ai créé deux sites, en 2021, qui vont un peu dans le sens de la mission de vouloir changer le monde, ou en créer un nouveau : Co-créer le changement et Nouvelle réalité. Ils s’orientent plus vers la création de quelque chose de nouveau et de plus positif que sur la critique de l’existant. Je trouve que c’est dans ce sens qu’il faut aller : apporter de la lumière, de la sagesse, de la vertu plutôt que de vouloir combattre l’ombre. La lumière élimine l’obscurité par sa présence, sans avoir besoin de la combattre. Les hauts niveaux de conscience de quelques êtres éveillés contrebalancent les bas niveaux de conscience de millions d’êtres endormis, car l’ignorance ne peut pas survivre en présence de l’éveil. Donc, la meilleure contribution est probablement de cultiver sa propre lumière intérieure, son propre éveil, ses propres vertus. Depuis quelques semaines, j’ai retrouvé régulièrement les jhanas dans ma méditation du matin, même si je n’en fais en général qu’une demie heure, parfois un peu plus et ce n’est que plus puissant. Avec mon nouveau programme, je devrais passer à une heure. Mais j’ai encore besoin de beaucoup de sommeil et je n’arrive pas à me lever tôt, surtout qu’il fait froid (relativement) en ce moment.
2 janvier 2022, Chiang Mai
Changer de réalité
Que signifie changer de réalité ? Cela signifie changer de perception. Ce changement peut avoir lieu à différents niveaux, des plus grossiers aux plus subtils. Aux niveaux les plus grossiers, ce n’est pas quelque chose d’étrange ou d’inhabituel. Cela signifie que nous vivons désormais dans un nouvel environnement physique. C’est ce qui se passe, de façon temporaire, lorsque nous partons en vacances, et de façon plus permanente, lorsque nous déménageons ou changeons de pays. Dans cette nouvelle réalité, notre cadre de vie a changé, et notre ancien environnement a complètement disparu. Il ne reste, de façon plus ou moins précise et pendant plus ou moins longtemps, que dans notre mémoire. D’autres changements de réalité courants sont un changement de travail ou un changement de conjoint. Lorsqu’il y a en même temps un changement de lieu, un changement de travail et un changement de conjoint, on a vraiment l’impression de vivre dans une nouvelle réalité et de commencer une nouvelle vie.
Mais la personne qui vit cette nouvelle vie est toujours la même. Son environnement physique – les lieux, les personnes, les objets – ont changé, mais son corps physique, a-t-il changé ? Et ses émotions, ses idées, ses croyances, ses valeurs, ses habitudes… dans quelle mesure ont-elles changé ? C’est là que le changement de réalité devient plus subtil. Est-ce que son niveau de conscience a changé ? Est-ce que sa perception de la nature des choses a changé ? Est-ce que sa vision du monde a changé ?
Tant que tous ces aspects plus subtils de notre perception n’auront pas radicalement changé, on ne peut pas vraiment parler de nouvelle réalité. Ce qui a changé, ce n’est que la partie émergée, visible, de l’iceberg ! Donc, pour changer de réalité, il ne suffit pas d’aller vivre à la campagne et de commencer à cultiver son jardin, même si c’est une première étape non négligeable, qui peut faciliter les changements aux niveaux plus subtils.
Même si nous nous retirons du monde, dans un lieu plus isolé et plus proche de la nature, nous restons soumis à un certain nombre de constantes extérieures. Nous vivons toujours dans un pays, avec ses lois, sa culture et ses coutumes ; dans la société humaine, avec ses règles sociales et ses modes de fonctionnement ; sur la planète Terre avec ses conditions géographiques et climatiques ; et dans un univers régi par des cycles astronomiques et des lois physiques. On peut toutefois imaginer une nouvelle réalité qui ne serait pas soumise à ces constantes, mais qui en contiendrait probablement d’autres.
Donc, pour pouvoir changer de réalité, il faut d’abord se libérer de nos conditionnements, de nos dépendances et de nos attachements, conscients et inconscients ; d’une part par rapport à notre fonctionnement personnel, physique, émotionnel, mental et spirituel, et d’autre part par rapport aux constantes extérieures auxquelles nous sommes soumis. Et cela afin de trouver une réelle autonomie qui nous permette de couper tous les liens qui nous attachent encore à notre ancienne réalité, et qui nous donne la liberté de changer de réalité. Il y a semble-t-il deux voies pour y parvenir, la voie progressive, qui va confronter un à un tous les aspects de l’ancienne réalité afin de s’en libérer, et la voie directe, qui permet de se libérer de tous les aspects d’un coup.
Le meilleur exemple de la voie directe, c’est l’éveil spirituel ; mais il ne faut pas oublier qu’il est généralement précédé d’une longue pratique de la voie progressive, souvent sur plusieurs, ou de nombreuses, vies successives. Il semble peu probable que ce soit une grâce divine qui peut échoir n’importe quand à n’importe qui. Il y a différents niveaux d’éveil, qui ne constituent pas tous une libération complète de tous les conditionnements humains.
Un autre exemple de voie directe serait la mort. Dans ce cas, ce qu’on a pu le mieux observer, ce sont les expériences de mort imminente (EMI), qui créent généralement un fort déconditionnement, mais qui n’est toutefois pas total. Il ne peut probablement jamais être total tant qu’on reste, après l’expérience, un être humain vivant sur la planète Terre. Concernant l’effet de la mort sur la perception de la réalité, on ne connaît que ce qu’en ont rapporté ceux qui y ont fait des séjours (plus longs que les EMI) et en sont revenus, et ce qu’en disent certaines religions, comme le bouddhisme tibétain. Ce qui rend difficile d’explorer ce qui se passe au moment de la mort et après la mort, c’est qu’on ne s’en souvient pas lorsqu’on renaît sur la Terre, même si certains ont des souvenirs de vies antérieures sur la Terre, ou d’existences dans d’autres royaumes ou réalités, pendant les périodes de transition entre les vies incarnées.
3 août 2021, Khanom